Noémie Oury

Méandres

La canalisation d’un fleuve qui s’écoule en tresses

Depuis le XXe siècle, les activités humaines tendent à domestiquer les fleuves en effaçant leurs méandres au profit d’un tracé rectiligne, rigide. Ceux-ci sont exploités pour la navigation, la production d’électricité ou encore l’industrie et se voient canalisés par des écluses, barrages, digues, et autres aménagements. Les cours d’eau deviennent alors statiques dans leur configuration géographique et perdent de leur vie. Ce sujet ouvre à pose les bases pour une réflexion sur de la relation qu’entretient l’humain avec la nature et la mise en place de droits juridiques pour la protéger des conséquences négatives de ses actions : décrue de la biodiversité au niveau des berges, perturbation des migrations des poissons, changement des dynamiques de transport des sédiments, risque d’inondations plus importantes et fréquentes en aval des canalisations, etc. En 2008, l’Équateur modifie sa constitution pour considérer la « Pacha Mama », la terre mère, comme sujet de droits et lui octroie notamment le droit de réparation en cas de dommages qui lui seraient infligés.

Références graphiques

• Harold Fisk, carte Méandres du Mississipi, 1944
Ancient Courses: Harold Fisk’s Meander Maps of the Mississippi River (1944) — The Public Domain Review
• Yuzan Mori, Hamonshu, Japon,1903
Hamonshū : Mori, Yūzan, -1917 : Free Download, Borrow, and Streaming : Internet Archive
• Louise Comiran, Vacarme, 2022
Louise Comiran | Vacarme

Ressources thématiques

• Laurent Schmitt, Roland Carbiener, Rhin Vivant, Strasbourg, Ed. La Nuée Bleue, 2022
• Nephtys Zwer, conférence « Contre-cartographie : une autre image du monde », HEAR, 19 octobre 2023
Contre-cartographie : une autre image du monde – Didactique Visuelle
• Magali Reghezza-Zitt, article « Vivre avec le fleuve », Relief n°9, 2024
RELIEFS | FLEUVES, le neuvième numéro de la revue Reliefs (reliefseditions.com)

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1- Modification de la morphologie des fleuves

Afin de répondre aux besoins de la navigation et de l’urbanisation, nous modifions les lits mineurs des cours d’eau en effaçant les méandres et tresses au profit d’un chenal unique, profond et rectiligne. Des bras sont fermés, d’autres sont creusés. C’est l’ensemble de la physionomie des fleuves qui est canalisée et recalibrée, comme l’illustre l’exemple du Rhin. Or, l’ensemble de ces aménagements figent les cours d’eau dans leurs mouvements naturels. A l’état sauvage, les méandres des fleuves se forment et se déforment au grès du temps, enrichissant dans sont sillage les plaines alluviales de sédiments riches pour le sol et la biodiversité qui en dépend. Ainsi, la canalisation des cours d’eau représente une grande perte de ces zones riveraines essentielles.

2- Artificialisation des berges

Dès l’apparition des premières civilisations sédentaires, l’humain s’est installé aux abords des cours d’eau. Encore aujourd’hui, le tissu de nos villes encadre les tracés des fleuves et ceci a conduit à l’artificialisation massive de leurs berges. Nous avons creusé le lit des cours d’eau afin d’enfoncer leurs flots et élevé leurs rives pour en constituer des digues en cas de crue, effaçant alors cette zone intermédiaire où le milieu aquatique et terrestre se rencontrent et abrite une biodiversité riche et nécessaire (telle que les forêts ripisylves). La bétonisation des berges et des sols alluviaux a également conduit à la disparition de nombreux lieux de nidation et de ponte des poissons, batraciens, amphibiens et mammifères riverains.

3- Barrages, écluses et autres aménagements

Les aménagements, tels que les barrages ou écluses, ont des conséquences catastrophiques sur les fleuves et leur bassin versant : ils ralentissent le débit de l’eau et favorisent la rétention de celle-ci (une eau lente est une eau contrôlable et navigable), menant au réchauffement de l’eau ainsi qu’à la diminution de son oxygénation. De plus, les barrages et écluses entravent la migrations de nombreuses espèces de poissons et l’ensemble a pour conséquences de perturber la faune et la flore locale ainsi que de favoriser les espèces invasives. Par ailleurs, les flux de sédiments dans les rivières sont arrêtés par les barrages, ce qui aggrave l’érosion du lit du fleuve et de ses berges en aval et provoque la diminution, voire la disparition, des nappes alluviales (qui se situent sous le lit du cours d’eau). Enfin, les aménagements sur les fleuves provoquent des inondations en aval plus importantes et plus fréquentes.